Quand l’Etat ne sert plus les citoyens, l’administration est au service des puissants

Les Estoniens, eux, pensent que l’Etat westphalien basé sur un territoire géographique est en train d’évoluer

Voilà ce que l’on peut lire dans l’article

« En France, l’administration sert l’Etat, en Estonie elle sert le citoyen »

La notion d’Etat wesphalien se réfère au Traité de Westphalie qui conclut la Guerre de Trente Ans (1618-1648) et qui

fait de l’Etat la forme privilégiée d’organisation politique des sociétés et consacre la naissance du système inter-étatique moderne. Le modèle repose sur 3 principes :

  • aucun état ne reconnaît d’autorité au-dessus de lui et tout état reconnaît tout autre état comme son égal ;
  • la souveraineté interne : l’état a une autorité exclusive sur son territoire et la population, aucun autre état ne s’immisce, pas d’ingérence !
  • l’équilibre des puissances : aucun état ne doit disposer des forces lui permettant de s’imposer à l’ensemble des autres états et tout état lutte contre toute éventuelle hégémonie.

Les Etats, à commencer par la France, se mettent à la remorque des GAFA (Google Apple Facebook Amazon) qui sont dans le « solutionnisme technologique ». Ces entreprises technologiques apportent des solutions à des problèmes concrets, mais toujours en excluant le politique.

Vieux pratiquant du covoiturage, je constate que cette lecture s’applique particulièrement bien à Blablacar. Cette entreprise a développé des solutions opérationnelles efficaces, elle cherche toujours à améliorer le service aux usagers, mais à condition que cela serve d’abord ses intérêts. Par l’effet de masse des offres et des demandes de covoiturage, elle est en quasi-monopole dans le covoiturage dans les trajets au-delà du trafic intra-agglo urbaine.

L’État ne semble préoccupé que de contrôler le niveau de recettes des usagers pour éventuellement effectuer des prélèvements, mais reste inerte face à un service public en monopole d’une entreprise sur son territoire national. C’est un service public qui ressemble plus à une dictature qu’à une démocratie : les usagers sont écoutés, mais ils n’ont aucun pouvoir. On y favorise la transaction avant l’échange, on modifie en permanence l’ergonomie et les possibilités de communication entre les co-voitureurs au gré du business plan de Blablacar.

Je vois par exemple avec inquiétude actuellement que l’entreprise est en train de chercher à favoriser l’identification d’un nombre réduit de points de rencontre en rendant difficile d’autres choix que les lieux identifiés par elle-même. Je crains que l’idée soit de vendre de la publicité ciblée aux commerces situés à proximité de ces lieux. Le commerce des données transforment alors les usagers en minerai à recettes publicitaires.

L’État ne fait rien pour soutenir la place de l’usager dans un service d’intérêt public dont la gestion est privée. Il ne poursuit que des intérêts financiers, en soutenant le champion Blablacar qui se développe à l’international et qui pourrait faire de l’extraction financière à l’échelle mondiale au bénéfice des finances publiques de l’État français. On a déjà vécu ce genre de scénario avec France-Télécom / Orange et d’autres : l’entreprise d’intérêt public est en monopole, elle rançonne les usagers nationaux, qui n’ont pas d’alternative, afin de financer le développement à l’international. Et, là on se passe bien toute référence à la concurrence… La collusion entre Bercy et les grands intérêts privés est flagrante. La vertu démocratique du suffrage universel est dilué dans l’asservissement des finances publiques aux finances privées capitalistes.

L’Estonie veut aussi apporter des solutions aux problèmes du service au public, mais dans le cadre d’un débat démocratique : cela peut passer par des solutions technologiques, mais les estoniens n’oublient pas le cadre sociopolitique dans lesquelles elles émergent.

Le titre de l’article est excellent, car il pointe quelque chose d’important : le dérapage quand l’administration sert les patrons de l’institution avant de servir les citoyens. C’est encore plus sensible dans les institutions locales que dans les institutions nationales. Mais il reste un cran en-dessous de la vérité que nous ressentons tous : quand l’administration sert les patrons de l’État, l’État finit par servir des intérêts privés plutôt que les citoyens.

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